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dimanche 20 septembre 2020

L'écharpe, un signe distinctif militaire

Des chevaliers aux croisés, l’écharpe, signe distinctif ou personnel traverse les batailles

L’écharpe n’a pas toujours été un signe distinctif militaire utile et nécessaire. Son utilisation et son port correspondaient auparavant à une utilité spécifique ou un choix bien plus personnel. Les recherches à propos de son histoire, les prémisses de son apparition sont particulièrement instructives. Elles nous dévoilent de nombreuses facettes sur les origines de l’écharpe que l’on n’aurait sans doute pas imaginé sans se lancer à leurs découvertes dans les livres d’Histoire. On a toujours attribué l’utilisation de l’écharpe blanche au Moyen Âge à un rôle militaire, un signe distinctif pour se différencier de l’ennemi, un élément de ralliement à une armée ou un port de couleur martiale mais il semble que cela ne fût pas toujours le cas.

Le chevalier avait un usage simple et personnel de cette étoffe

L’armure que portait le chevalier était embarrassante, peu pratique et surtout ne lui permettait pas de porter et d’emporter avec lui des objets ou accessoires utiles. L’écharpe, relayée au rang de simple étoffe, avait au Moyen Âge un rôle purement fonctionnel. Le grand morceau de tissu faisait office de suaire, un accessoire auquel le chevalier pouvait avoir recours pour des raisons, des besoins simples mais fondamentaux ou vitaux au cours de la bataille comme par exemple panser ses plaies ou en essuyer le sang d’une blessure, tout simplement se moucher.

Puis la pratique changea. L’accessoire en tissu souvent de couleur blanche, celle du lin et nuance la plus couramment utilisée en ces temps. Symbolique et alors bien moins fonctionnel, il était le présent de la femme qu’il aimait. Le chevalier emportait avec lui et portait un signe, l’étoffe symbolisant l’amour qui le liait à sa tendre dulcinée. L’église couvrira aussi les jeunes chevaliers débutants d’une écharpe de nuance blanche, couleur qu’elle attribue à l’innocence et la pureté. L’étoffe blanche avait toute sa place dans l’attirail du chevalier.

L’étoffe devient un signe distinctif martial

C’est au temps des croisades, période à laquelle les troupes prenaient une ampleur de plus en plus importante, que l’accessoire prit progressivement le sens que l’on lui attribue bien plus facilement aujourd’hui de manière un peu hâtive. Le besoin de porter un signe distinctif de ralliement, d’appartenance à une nation prenait inévitablement tout son sens et devenait nécessaire.

L’historien Joseph François Michaud mentionnait dans ses ouvrages consacrés aux croisades l’existence et la fonction que l’on allait désormais attribuer à l’écharpe sur le champ de bataille des premières croisades : « sur la cote d’armes de chaque écuyer flottait une écharpe bleue, rouge, verte ou blanche ». L’écharpe se porte alors de manière croisée sur la cote d’armes du guerrier. Les croisés la portent en sautoir autour du cou. C’est de ce type d’utilisation et de positionnement en diagonale que naît l’expression « prendre en écharpe » qui signifie prendre de manière oblique.

Dans certains cas, au-delà de la tonalité blanche, la couleur pouvaient symboliser une alliance entre provinces ou nations. Elle restera néanmoins dans un usage le plus courant de couleur blanche. Certains écrits relatent sous Philipe Lebel l’existence d’ « escherpettes blanches cousues ».

Un élément de l’attirail du pèlerin

Le pèlerin en fit usage également. L’arsenal caractéristique du pèlerin se composait de l’écharpe et du bourdon. Celle-ci n’était en définitive qu’une bande assez mince, une courroie retenant une escarcelle. Les rois recevaient les accessoires de l’évêque ou de l’abbé. Ils prenaient alors « l’escherpe et le bourdon » avant d’entamer leur long itinéraire de pèlerinage. Au 14ème siècle, à la fin de la période des croisades et pèlerinages, l’écharpe est un accessoire à part entière de l’uniforme avec l’avènement de l’armure plate. Elle ne supporte plus une sacoche ou une escarcelle. Elle est désormais un élément distinctif, un signe exclusivement militaire.

Au 15ème siècle, peu à peu, l’utilisation de la couleur blanche n’est plus un impératif. La gendarmerie du monarque remplace progressivement la chevalerie traditionnelle. Elle n’est plus un signe martial de ralliement à une nation, une armée mais plutôt une marque de faction. Elle va prendre place en bandoulière sur les vêtements d’étoffe et de cour.

A chaque troupe, chaque infanterie, chaque nation sa couleur d’écharpe

Comme évoqué plus tôt, la couleur la plus couramment utilisée fût tout d’abord le blanc. Au 15ème siècle sous, la venue des armes à feu vient compléter dans l’attirail du guerrier et rend l’écharpe encombrante.

Par la suite, Charles IX et Henri III firent le choix de l’écharpe rouge face à leurs opposants les huguenots à l’étoffe blanche.

henri_IV_1610.jpg

Henri IV 1610

A titre d’exemple, les hollandais portaient le orange, les espagnols le rouge, les anglais le bleu.

rocroi_dernier_tercio.gif

Infanterie espagnole Rocroi 1643

On sait déjà, que du temps de la Fronde, les armées des différents partis, se distinguaient par leurs couleurs : les soldats du roi portaient l’écharpe blanche, ceux du prince de Condé l’écharpe isabelle, ceux de Mazarin l’écharpe verte."

conde_isabelle.jpg

Louis II de Condé 1649

En France, son utilisation fût peu à peu abandonnée par la suite. Gênante, lors des tournois, elle devenait même nuisible et dommageable. C’est le port du fusil au début du 18ème siècle qui conduira à l’abandon de l’écharpe et sa disparition de l’uniforme. L’écharpe en voie de disparition trouvera alors une nouvelle place auprès de l’emblème national par excellence, le drapeau.

L’écharpe, à l’origine accessoire de l’attirail martial du chevalier se mue en cravate distinctive qui se trouve en bout du fer de lance de l’étendard national, une reconversion à l’allure de retraite bien méritée.

https://www.echarpissime.com/origine-histoire-echarpe/etude-historique-echarpe/

https://artillerie.asso.fr/amad/article.php3?id_article=503

https://petitegalerie.louvre.fr/oeuvre/henri-iv-1553-1610-roi-de-france-en-armure

lundi 6 mai 2019

Portulan de Matheus Prunes 1563

Cette magnifique vue de Marseille et de Barcelone date de 1563.
marse-barce.jpg
Elle est extraite du portulan de Matheus Prunes conservé au Museo Naval de Madrid.
portulan.jpg
Matheus Prunes (Majorque 1532-1594) était un cartographe catalan. La famille Prunes, tous cartographes à Majorque, a commencé son commerce avec Juan en 1532 et a été active jusqu'en 1631.
Le nom de l'auteur apparait entouré de la Vierge del Carmen, d'un galion et d'une caravelle.
matheus_prunes.jpg
C'est un portulan, c'est à dire une carte marine listant tous les ports et points remarquables de la côte méditerranéenne. Le dessin des villes est très soigné. Elles sont accompagnées de leur emblème.
Lisbonne.jpg Lisbonne et Grenade.
Venise.jpg Gênes, Venise et Raguse (Dubrovnik)
tanger.jpg Bone (prise par Charles Quint en 1535), Bougie, Alger, Tanger (ou Ceuta prises par les Portugais en 1415 et 1475)
tripoli.jpg Le Caire, Marsa el Brega ?, Syrte?, Tripoli
mer-noire.jpg Asie mineure, Moncallo (Odessa?), Pideya (Mykolaîv?), Tabardi (Kizomys?)
Rhodes.jpg Rhodes peinte aux couleurs des chevaliers de St Jean (malgrès son abandon en 1522)
maillorque.jpg Mallorque aux couleurs catalanes
lanzarote.jpg Lanzarote aux couleurs génoises.

voir: https://artsandculture.google.com/asset/portolan-chart-of-the-mediterranean-sea/3wFXWb_AMQqXzw?hl=en

lundi 15 avril 2019

Pavillons (2)

Le même auteur (Amédée Gréhan) dans le même livre (La France Maritime) page 115 et non page 56 donne des détails croustillants sur les raisons qui ont menées à la publication de ces ordonnances.
Il répare aussi l'erreur sur l'origine du mot pavillon.

Les marques distinctives des bâtiments marchands sont de trois sortes: pavillon national, marques de reconnaissance, signes d'arrondissement.

MARQUES DE RECONNAISSANCE

L’article 256 de l'ordonnance de 1765 octroyait aux armateurs de navires la faculté de prendre une marque quelconque, que leurs bâtiments arboreraient à la vue du port de destination. La forme et la couleur de cette marque étaient laissées au libre arbitre des capitaines et négociants, parce que la police de la navigation paraissait sans intérêt dans ce choix. Les choses allèrent ainsi jusqu'à la fin de l'année 1817. La politique se mêlait alors à toutes choses. La chute de l'empire, le double exil de Napoléon, et deux restaurations successives, avaient renouvelé les haines de 1789 ; les fautes ne manquèrent pas pour justifier la guerre qu'on faisait ouvertement ou en cachette au gouvernement des Bourbons; le bonapartisme et un sentiment plus large d'amour de la liberté donnaient de continuels et profonds regrets aux couleurs glorieuses sous lesquelles la France avait combattu pendant la période révolutionnaire; chacun s’ingéniait à produire, ne fût-ce qu’au moment, une cocarde ou un drapeau qui fit pâlir le blanc légitimiste : alors quelques armateurs, usant de la liberté que leur donnait l'ordonnance de 1765 , montrèrent aux ports des marques de reconnaissance composées de bandes ou de compartiments rouges, bleus et blancs.

Ce n'était pas sans doute le pavillon de la révolution et de l'empire; on ne pouvait point traduire devant les tribunaux ces emblèmes, qui n'étaient pas les fidèles représentations de la cocarde tricolore; mais on jugea qu'il était prudent de couper court à cette manifestation significative d'une opposition ennemie. Un règlement fut rédigé dans les bureaux sur les pavillons des navires du commerce, et présenté au roi Louis XXVIII par M. le comte Molé, ministre de la marine: le roi le signa le 5 décembre 1817. - On se hâta de le communiquer dans tous les quartiers maritimes pour qu’i1 eût à être scrupuleusement observé. Ce règlement dissimulait assez habilement la peur qui l'avait dicté; il reconnaissait, art. 1°’, la faculté laissée aux armateurs de joindre une marque de reconnaissance au pavillon français; mais il supprimait cette disposition de l'ordonnance de 1765 : telle marque qu'ils jugeront à propos. Puis, art. 6, et sans expliquer la cause de cette recommandation, le règlement disait:
Les armateurs seront tenus de faire connaître au bureau de l'inscription maritime les marques de reconnaissance dont ils voudront faire usage, et ils ne pourront les employer qu'après en avoir fait la déclaration, qui sera enregistrée et mentionnée sur le rôle d'équipage du navire.

Tous les inconvénients qu'on redoutait pour le port d'insignes coupables étaient prévenus par cet art. 6, qui créait un censeur, mais qui n'osait pas montrer toute la frayeur dont il était gros, en créant aussi une pénalité applicable à celui qui contreviendrait au règlement. On comprit très-bien dans la marine du commerce ce que le ministre voulait dire; mais M. Molé craignit apparemment que le roi ne sentît pas toute la portée de la disposition mystérieuse qu'il présentait à sa signature, et que M. le grand-amiral de France, duc d'Angoulême, devait contresigner aussi; car il prit la peine de la leur exposer dans un rapport, où je trouve le curieux passage que voici:
«... Dans ces derniers temps, quelques armateurs et capitaines, soit par malveillance, soit par inattention, ont abusé de la liberté dont ils jouissaient, pour arborer, comme marques de reconnaissance, des pavillons dont les couleurs rappelaient celui qui ne peut plus être aujourd'hui qu'un signe de rébellion.»

Il était donc nécessaire de prévenir de semblables fautes, mais sans éclat et en dissimulant le véritable motif des ordres qui seront donnés.
Cette cachotterie,—et c'est à dessein que je me sers d'une expression très-vulgaire pour parler d'une chose si peu noble, — cette cachotterie n'est-elle pas amusante? N'y a-t-il pas bien delà mesquinerie dans une pareille manière de procéder? On sait qu'on va s'exposer au ridicule, si l'on manifeste des craintes puériles; et, pour fuir le ridicule, pour cacher ses craintes, on s'arrange de façon à prévenir sans éclat les actes que l'on redoute; on trompe le public sur les véritable motif des ordres que l'on veut donner ! Cette petite ruse, cette grossière finesse, n'est pas un des moindres traits de l'histoire des commencements de la Restauration. On se voyait en péril, parce que trois couleurs proscrites se groupaient, dans un ordre quelconque, à la surface d'un pavillon d'étamine, et l'on n'avait pas la force de déclarer qu'à l'avenir toute combinaison du bleu, du rouge et du blanc était interdite ! C'était en tremblant et en mentant comme un écolier jésuite , qu'un ministre du roi de France composait un règlement sauveur dont il n'osait pas avouer le but et l'intention ! Ceci est très-plaisant quand on y pense! On prenait une résolution, et l'on se disait : « Qui jamais en saura la cause? » On n'oubliait qu'une chose... c'était de brûler le Rapport au roi!

Aujourd'hui, la marine marchande est encore sous l'empire du règlement de 1817, qui a trait non-seulement aux marques de reconnaissance mais encore aux signes d'arrondissement.

SIGNES D'ARRONDISSEMENT.

On sait qu'il y a cinq arrondissements maritimes; c'est-à-dire que le littoral de la France, de Dunkerque à la frontière d'Espagne, et de l'autre frontière espagnole jusqu'à celle du Piémont, est partagé en cinq grandes divisions, administrées par des préfets maritimes. Ces cinq arrondissements ont pour chefs-lieux Cherbourg, Brest, Lorient, Rochefort et Toulon. Chacune de ces divisions a été subdivisée en deux, et l'on a affecté pour la police de la navigation des signes à ces dix subdivisions. Autrefois les armateurs, pour se faire reconnaître de loin, se servaient généralement des pavillons des villes où ils faisaient leurs armements, ou des pavillons des provinces : on ne leur a pas accordé cette latitude par les dispositions du règlement de 1817. Ils sont obligés de faire arborer sur leurs navires les signes adoptés réglementairement par le ministère. Ces signes ont été arbitrairement formés et composés. Il y en a de deux formes : cornette et pavillon triangulaire ; il y a cinq combinaisons différentes de couleurs, comme on le verra par le tableau colorié qui est joint à ces explications. Le seul de ces signes qui rappelle un ancien drapeau provincial, c'est le premier, comportant quatre bandes horizontales alternativement bleues et blanches; ce sont les anciennes couleurs de Dunkerque, celles qu'illustra Jean-Bart.

PAVILLON NATIONAL.

Ce n'est que depuis 1765 que les navires marchands ont le droit de porter les couleurs de la France. Pendant les cent années qui précédèrent celle époque, des pavillons particuliers leur furent assignés, pour des raisons qui tenaient à l'honneur même du pavillon national. Quand l'enseigne française devint blanche, les vaisseaux du roi eurent seuls le privilège de la déployer sur leurs poupes; alors on laissa aux navires des particuliers le pavillon bleu à croix blanche, que les troupes de l'armée de terre et les vaisseaux de l'État ne devaient plus défendre. Cette distinction parut flétrissante aux navigateurs du commerce, quoique le vieux pavillon de la nation fût honorable à porter. Ils y trouvèrent d'ailleurs un désavantage assez grand. Le pavillon blanc, étant celui des bâtiments du roi, était partout l'objet des respects, et nul n'aurait osé manquer aux égards que Louis XIV avait su obtenir pour lui: les transactions faites à l'abri de ce pavillon pouvaient donc être plus faciles, parce qu'il supposait une provision royale, et de promptes réparations obtenues pour les avanies faites au navire qu'il couvrait. Les armateurs et les capitaines s'avisèrent, pour celte raison, dans leurs voyages lointains, d'arborer le pavillon blanc. Plusieurs furent molestés; quelques-uns firent sous cette bannière un trafic honteux qui la compromettait; il y en avait fort peu qui fussent en état de se faire rendre les saints que les vaisseaux du roi obtenaient toujours, au moins par la force, pour l'enseigne militaire qu'ils montraient aux alliés et aux ennemis de la France. On fut instruit de ces circonstances à la cour, et, le 9 octobre 1661, Loménie fit signer à Louis XIV une ordonnance dont voici la teneur, en abrégé:

Sa Majesté ayant été informée que plusieurs particuliers, capitaines, maîtres et patrons de vaisseaux étant à la mer, et allant en voyage de long cours, au lieu de porter seulement l'ancien pavillon de la nation française, prennent la liberté d'arborer le pavillon blanc, pour en tirer avantage dans leur commerce et navigation, au préjudice souvent de l'honneur qui y est dû, et qu'ils sacrifient dans les rencontres à leur intérêt particulier, n'étant pas en état de pouvoir obliger ceux qui le doivent à le rendre, ou ne sachant pas la manière dont il faut en user dans de pareilles rencontres Fait très-expresses inhibitions et défenses à tous capitaines, etc.... de porter le pavillon blanc, qui est réservé à ses seuls vaisseaux; et veut et ordonne qu'ils arborent seulement l’ancien pavillon de la nation française, qui est la croix blanche dans un étendard d'étoffe bleue, avec l'écu des armes de Sa Majesté sur le tout.

Cette défense expresse du roi fut assez mal observée par les capitaines; car la cour se vit obligée d'envoyer des bâtiments de guerre en croisière, et notamment sur la côte d'Afrique, les vaisseaux de MM. de Beaulieu et de Pallas, pour contraindre ces marchands à exécuter l'ordonnance.
Le 12 juillet 1670, Colbert, donnant une nouvelle ordonnance sur le service de la marine, rappela, art. 12, la disposition de celle de 1661 sur le pavillon.
En 1689, quand le grand ministre fit l'ordonnance célèbre dont, par parenthèse, plusieurs dispositions furent empruntées aux usages de la marine hollandaise et de la marine anglaise, et qui encore aujourd'hui sert de base à notre code maritime et à l'ordonnance du service à la mer, il conserva le texte qui prescrivait le port du pavillon bleu à croix blanche. Seulement il ajouta :tout elle autre distinction qu'ils jugeront à propos, pourvu que leur enseigne de poupe ne soit pas entièrement blanche. »
Ce fut alors qu'on vit ces pavillons où le blanc et le bleu se combinaient dans des dispositions sans nombre, au caprice des armateurs, mais toujours avec l'intention manifeste de diminuer le bleu et de faire prédominer le blanc. Pourquoi cette tendance? Était-ce vanité, ou bien intérêt? Je l'ignore. Les documents positifs me manquent pour arriver à la solution de cette question : toujours est-il que chaque marchand se fit son pavillon, et que bien peu de navires portèrent la croix blanche sur le fond bleu.

Soit désir de donner satisfaction à des armateurs qui avaient rendu de grands services, soit volonté de faire revenir les bâtiments du commerce à une unité de pavillon : comme on s'éloignait beaucoup du temps où la croix d'argent sur fond d'azur était le pavillon de la nation, on permit aux marchands de déployer l'enseigne blanche sur la poupe de leurs navires. C'était, comme je l'ai dit plus haut, en 1765. Le pavillon blanc flotta dans les ports, sur les rades et à la mer jusqu'à la fin de 1790; alors il reçut dans son quartier supérieur le nouveau pavillon de beaupré qu'on venait de composer.

ÉTYMOLOGIES.

A pavillon d'abord. Et commençons par mettre hors de cause M. Du Pavillon, à qui une erreur asses répandue a fait gratuitement l'honneur d'avoir imposé son nom aux drapeaux maritimes. Du Pavillon servait dans la marine vers le milieu du dernier siècle, et j'ai rapporté une ordonnance de Louis XIV (celle de 1661) qui parle de l'ancien pavillon français. Le mot pavillon est donc dans la langue maritime depuis Louis XIII au moins; M. Du Pavillon n'a rien a y prétendre.

dimanche 14 avril 2019

Pavillons (1)

Le pavillon est une bannière, une enseigne, un étendard d'étoffe légère, soie, toile ou étamine, que l'on déploie au vent. Cette bannière porte les couleurs, le blason, les armoiries, le chiffre, les marques distinctives de la nation, de la province, du port, de l'officier qui commande le navire qui l'arbore, de l'armateur auquel il appartient.

On distingue les pavillons de nation, de province ou d'arrondissement, des signaux généraux ou particuliers.

Les pavillons de nation sont invariables, et si quelque circonstance y amène quelque changement, la notification en est faite aux autres états par communication diplomatique; ils intéressent toutes les nations maritimes, et doivent être connus de toutes. On distingue souvent ceux qui sont spéciaux aux bâtiments de guerre de ceux qui ne peuvent être arborés que par les navires du commerce; ils sont placés sur un petit mât appelé mât de pavillon, élevé sur le couronnement du navire, et qui reçoit une légère inclinaison qui permet de distinguer le pavillon, même quand il fait peu de vent. A bord des petits navires, le pavillon national est hissé à la corne d'artimon.

Les pavillons d'arrondissement ou de province ne sont, à bien dire, que des signaux de reconnaissance; ils ne sont pas d'obligation : chaque nation peut en adopter ou en changer, sans qu'il soit besoin de les notifier aux puissances étrangères; c'est une affaire de famille.
Lorsque la France était divisée en provinces, chacune de celles qui avaient des ports avait son pavillon, de même que, plus anciennement, elles avaient leur amiral. On connaissait ainsi en France le pavillon de Picardie, de Normandie, de Bretagne, de Guyenne, de Provence. La loi du 24 octobre 1790, qui fixa le nouveau pavillon français, décida qu'un seul pavillon serait désormais arboré par tous les bâtiments, soit de guerre, soit de commerce: et comme déjà les provinces avaient cessé d'exister comme fractions d'un même corps, les pavillons qui les distinguaient cessèrent d’être mis en usage.
Ce ne fut qu'en 1817, par un règlement du 5 décembre, que la France étant divisée par arrondissements maritimes, chacun de ces arrondissements reçut un pavillon distinctif, dont la place fut fixée en tête du grand mât. Ils ne doivent être arborés à la mer qu'en cas de rencontre ou en vue du port; et, quand ils le sont, le pavillon français doit toujours l'être ou au mât de pavillon ou à la corne d'artimon.

La nécessité de communiquer ses idées à des distances plus ou moins grandes, a fait imaginer les signaux : nous ne parlerons ici que de ceux qui se font à la mer et de jour. C'est un véritable langage qui a ses signes, sa grammaire, son dictionnaire.
Les pavillons de signaux sont arbitraires et faits avec des étoffes légères, généralement en étamine. On choisit les couleurs les moins faciles à confondre, même à l'œil nu ; telles sont le blanc, le rouge, le jaune, le vert, le bleu. On ne réunit jamais dans un même pavillon le bleu et le vert, ou le blanc et le jaune, couleurs qui peuvent aisément à distance être prises l'une pour l'autre, surtout lorsque, les pavillons ayant servi longtemps, les teintes ont perdu leur premier éclat. Ces pavillons sont ou d'une seule couleur, ou de couleurs diverses disposées par bandes horizontales ou verticales, en carreaux, en quartiers. Souvent un disque de couleur tranchante est placé au milieu du pavillon; on les hisse ensemble ou séparément à la tête des mâts ou au bout des vergues, en général aux lieux les plus apparents.
On a cherché les combinaisons qui pussent procurer le plus grand nombre possible d'indications spéciales avec le moindre nombre de pavillons. On voulait obtenir plus de facilité d'exécution, éviter surtout la confusion. La méthode la plus féconde est due à M. le chevalier de Pavillon, capitaine de vaisseau, qui a donné son nom au drapeau maritime par l'emploi qu'il en a fait dans la langue des signaux (1).
Elle est remarquable par sa simplicité et le grand nombre de combinaisons qu'elle représente, et qui peut être encore facilement et singulièrement augmenté. En n'employant que trois pavillons pour chaque signal, un supérieur pour l'unité, un intermédiaire pour les dizaines, et un inférieur pour les centaines, treize pavillons suffisent pour donner neuf cent quatre-vingt-dix-neuf combinaisons.
Si à chacune on attache une phrase, une idée, une signification quelconque, on a un langage fort étendu. Les pavillons les plus ordinairement employés dans les signaux, du moins chez les Français, sont :
Bleu, rouge et jaune. Le blanc n’est jamais employé seul que comme pavillon parlementaire
Mi-parti rouge-blanc et bleu-blanc en bande verticale. On n’emploie pas les bandes horizontales qui pourraient faire confondre la bande inférieure d’un pavillon avec la bande supérieure de celui qui le suit, et produire une erreur de signal.
Damier blanc-rouge et blanc-bleu
Blanc percé de rouge ou bleu, rouge percé de blanc, bleu percé de blanc ou rouge : un disque de couleur indiquée est placé au centre du pavillon indiqué
Neuf de ces pavillons indiquent les neuf premiers chiffres. Deux sont affectés au zéro; Deux ont pour fonction de figurer tel des neuf premiers chiffres auxquels on les joint.
M. de Rossel, dont la marine déplore la perte récente, a publié en 1822 un vol. in-8 de concert avec le vice-amiral de Rosily, un livre de Signaux de jour, à l’usage des vaisseaux de guerre français.
On doit a des Anglais ingénieux, MM. Luscombe frères, une langue générale par signaux, au moyen desquels les navires de diverses nations, ignorant même la langue spéciale a chacune, peuvent converser entre eux. Nous reviendrons sur cette polygraphie, a cause des avantages que la navigation peut en retirer.

Les armateurs des navires du commerce sont autorisés à faire porter à leurs navires des signaux particuliers ; leur place est au mât de misaine, et mention doit être faite sur le rôle d'équipage de ceux adoptés pour chaque navire. Ainsi l'a disposé le règlement de 1827, en conformité de l'ordonnance du Roi de 1765.
Le caprice seul règle l'assemblage des couleurs de ces pavillons; souvent on se borne à écrire en grosses lettres noires le nom entier du navire dans un pavillon ou guidon blanc, ou en lettres blanches sur un pavillon bleu. C'est bien le signe le plus expressif, mais il ne peut se distinguer de très-loin, même avec la lunette; souvent le vent ou la position du navire, relativement à l'observateur, ne permettent de lire qu'à rebours. La disposition diverse de couleurs différentes est en définitive le meilleur mode à employer.
Les bâtiments de commerce porteront le pavillon tricolore à poupe, et, en outre, telles marques de reconnaissance qu’ils jugeront convenable; mais ils ne pourront en faire usage qu'après les avoir l'ait connaître au bureau de la marine, et qu'il en aura été fait mention au rôle d'équipage.
Ils sont tenus d'arborer en même temps que le pavillon de poupe le pavillon d'arrondissement. Il leur est défendu d'arborer un pavillon tricolore a la poupe des embarcations.

La même ordonnance détermine les pavillons de distinction à arborer sur les canots, la manière dont ils doivent l'être, soit déployés, soit ferlés, suivant le grade et le rang des officiers qui sont à bord, et qui ne sont point officiers généraux.

Texte extrait de La France Maritime d'Amédée Gréhan (2) (1837)
Livre sur Google
(1) Cette information est fausse. Le mot pavillon était utilisé dans la marine française bien avant que le chevalier de Pavillon s'y engage.
(2) Amédée Gréhan (1802-1879) était sous-chef de bureau au ministère de la marine. En 1837, il a coordonné et fait publier La France maritime. Cet ouvrage en quatre volumes est une somme encyclopédique de la France coloniale de l'époque. Il fut consul du Siam à Paris à partir de 1860.

dimanche 11 novembre 2018

Les estampilles des ébénistes

Concrétisation de l’appartenance à la corporation, l’obligation d’estampiller les ouvrages apparaît aux alentours de 1730, instituée, avec les dérogations d’usage, en 1743, légalisée en 1751 par édit royal.

Marque, signature de l’artisan, l’estampille, poinçon de métal gravé en relief, est frappée dans le bois des sièges et des meubles à des emplacements discrets: sous l’emplacement d’un marbre, sur le bord d’un tiroir, sur une traverse, sur le bâti, etc. Elle indique le nom de l’artisan, souvent accompagné des initiales de son ou des ses prénoms pour le distinguer, car il existe de véritables dynasties de menuisiers-ébénistes qui exercent sur plusieurs années. Elle est souvent accompagnée des trois lettres JME, marque de contrôle de la jurande (bureau de plusieurs jurés nommés par la corporation) des menuisiers ébénistes, d’où les lettres JME, marque qui donne lieu au versement d’une taxe, à laquelle bien des menuisiers et ébénistes tentent d’échapper.

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Un meuble peut comporter plusieurs estampilles; celle du menuisier, mai aussi celle du sculpteur, du marqueteur, du bronzier, etc, voire celle du marchand – mercier qui passe commande à divers ateliers.

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pour Roger Vandercruze dit Lacroix (1727-1799) RVLC : maître en 1755, RVLC est d’origine flamande. Il est reconnu pour son talent de marqueteur et est l’un des précurseurs du style néoclassique qui succèdera au style Louis XV.

A l’abolition des privilèges, l’obligation d’estampiller les meubles a pris fin Cependant, de nombreux artisans ont continué d’apposer leur marque sur leurs créations jusqu’au 21e: Gallé, Majorelle, Ruhlmann, Prouvé, Paulin, Starck, Pinto, Wilmotte, Putman, Propst Perriand..

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Louis Majorelle (1859-1926) de Nancy.

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Après un cursus à l'école Boulle, à Paris, Gérard Guermonprez expose au Salon des Arts Ménagers de 1954 à 1976, où il présente notamment, en 1955, des meubles de série en chêne clair montés sur piètement en métal laqué noir. L'étiquette remplace le poinçon.


http://www.latourcamoufle.com/cahiers-de-antiquaires/ebenistes-et-menuisiers-les-plus-celebres-des-xviiieme-et-xixeme-siecles/

http://www.antiquites-catalogue.com/blog/2014/04/09/les-grands-ebenistes-du-style-louis-xv-leur-estampille-pierre-migeon-rvlc-oeben/

https://atelierpatricebricout.fr/needtowork/cache/all/nos-conseils/estampilles-des-ebenistes/index.html

http://amosiris.com/?p=685