Le pavillon est une bannière, une enseigne, un étendard d'étoffe légère, soie, toile ou étamine, que l'on déploie au vent. Cette bannière porte les couleurs, le blason, les armoiries, le chiffre, les marques distinctives de la nation, de la province, du port, de l'officier qui commande le navire qui l'arbore, de l'armateur auquel il appartient.

On distingue les pavillons de nation, de province ou d'arrondissement, des signaux généraux ou particuliers.

Les pavillons de nation sont invariables, et si quelque circonstance y amène quelque changement, la notification en est faite aux autres états par communication diplomatique; ils intéressent toutes les nations maritimes, et doivent être connus de toutes. On distingue souvent ceux qui sont spéciaux aux bâtiments de guerre de ceux qui ne peuvent être arborés que par les navires du commerce; ils sont placés sur un petit mât appelé mât de pavillon, élevé sur le couronnement du navire, et qui reçoit une légère inclinaison qui permet de distinguer le pavillon, même quand il fait peu de vent. A bord des petits navires, le pavillon national est hissé à la corne d'artimon.

Les pavillons d'arrondissement ou de province ne sont, à bien dire, que des signaux de reconnaissance; ils ne sont pas d'obligation : chaque nation peut en adopter ou en changer, sans qu'il soit besoin de les notifier aux puissances étrangères; c'est une affaire de famille.
Lorsque la France était divisée en provinces, chacune de celles qui avaient des ports avait son pavillon, de même que, plus anciennement, elles avaient leur amiral. On connaissait ainsi en France le pavillon de Picardie, de Normandie, de Bretagne, de Guyenne, de Provence. La loi du 24 octobre 1790, qui fixa le nouveau pavillon français, décida qu'un seul pavillon serait désormais arboré par tous les bâtiments, soit de guerre, soit de commerce: et comme déjà les provinces avaient cessé d'exister comme fractions d'un même corps, les pavillons qui les distinguaient cessèrent d’être mis en usage.
Ce ne fut qu'en 1817, par un règlement du 5 décembre, que la France étant divisée par arrondissements maritimes, chacun de ces arrondissements reçut un pavillon distinctif, dont la place fut fixée en tête du grand mât. Ils ne doivent être arborés à la mer qu'en cas de rencontre ou en vue du port; et, quand ils le sont, le pavillon français doit toujours l'être ou au mât de pavillon ou à la corne d'artimon.

La nécessité de communiquer ses idées à des distances plus ou moins grandes, a fait imaginer les signaux : nous ne parlerons ici que de ceux qui se font à la mer et de jour. C'est un véritable langage qui a ses signes, sa grammaire, son dictionnaire.
Les pavillons de signaux sont arbitraires et faits avec des étoffes légères, généralement en étamine. On choisit les couleurs les moins faciles à confondre, même à l'œil nu ; telles sont le blanc, le rouge, le jaune, le vert, le bleu. On ne réunit jamais dans un même pavillon le bleu et le vert, ou le blanc et le jaune, couleurs qui peuvent aisément à distance être prises l'une pour l'autre, surtout lorsque, les pavillons ayant servi longtemps, les teintes ont perdu leur premier éclat. Ces pavillons sont ou d'une seule couleur, ou de couleurs diverses disposées par bandes horizontales ou verticales, en carreaux, en quartiers. Souvent un disque de couleur tranchante est placé au milieu du pavillon; on les hisse ensemble ou séparément à la tête des mâts ou au bout des vergues, en général aux lieux les plus apparents.
On a cherché les combinaisons qui pussent procurer le plus grand nombre possible d'indications spéciales avec le moindre nombre de pavillons. On voulait obtenir plus de facilité d'exécution, éviter surtout la confusion. La méthode la plus féconde est due à M. le chevalier de Pavillon, capitaine de vaisseau, qui a donné son nom au drapeau maritime par l'emploi qu'il en a fait dans la langue des signaux (1).
Elle est remarquable par sa simplicité et le grand nombre de combinaisons qu'elle représente, et qui peut être encore facilement et singulièrement augmenté. En n'employant que trois pavillons pour chaque signal, un supérieur pour l'unité, un intermédiaire pour les dizaines, et un inférieur pour les centaines, treize pavillons suffisent pour donner neuf cent quatre-vingt-dix-neuf combinaisons.
Si à chacune on attache une phrase, une idée, une signification quelconque, on a un langage fort étendu. Les pavillons les plus ordinairement employés dans les signaux, du moins chez les Français, sont :
Bleu, rouge et jaune. Le blanc n’est jamais employé seul que comme pavillon parlementaire
Mi-parti rouge-blanc et bleu-blanc en bande verticale. On n’emploie pas les bandes horizontales qui pourraient faire confondre la bande inférieure d’un pavillon avec la bande supérieure de celui qui le suit, et produire une erreur de signal.
Damier blanc-rouge et blanc-bleu
Blanc percé de rouge ou bleu, rouge percé de blanc, bleu percé de blanc ou rouge : un disque de couleur indiquée est placé au centre du pavillon indiqué
Neuf de ces pavillons indiquent les neuf premiers chiffres. Deux sont affectés au zéro; Deux ont pour fonction de figurer tel des neuf premiers chiffres auxquels on les joint.
M. de Rossel, dont la marine déplore la perte récente, a publié en 1822 un vol. in-8 de concert avec le vice-amiral de Rosily, un livre de Signaux de jour, à l’usage des vaisseaux de guerre français.
On doit a des Anglais ingénieux, MM. Luscombe frères, une langue générale par signaux, au moyen desquels les navires de diverses nations, ignorant même la langue spéciale a chacune, peuvent converser entre eux. Nous reviendrons sur cette polygraphie, a cause des avantages que la navigation peut en retirer.

Les armateurs des navires du commerce sont autorisés à faire porter à leurs navires des signaux particuliers ; leur place est au mât de misaine, et mention doit être faite sur le rôle d'équipage de ceux adoptés pour chaque navire. Ainsi l'a disposé le règlement de 1827, en conformité de l'ordonnance du Roi de 1765.
Le caprice seul règle l'assemblage des couleurs de ces pavillons; souvent on se borne à écrire en grosses lettres noires le nom entier du navire dans un pavillon ou guidon blanc, ou en lettres blanches sur un pavillon bleu. C'est bien le signe le plus expressif, mais il ne peut se distinguer de très-loin, même avec la lunette; souvent le vent ou la position du navire, relativement à l'observateur, ne permettent de lire qu'à rebours. La disposition diverse de couleurs différentes est en définitive le meilleur mode à employer.
Les bâtiments de commerce porteront le pavillon tricolore à poupe, et, en outre, telles marques de reconnaissance qu’ils jugeront convenable; mais ils ne pourront en faire usage qu'après les avoir l'ait connaître au bureau de la marine, et qu'il en aura été fait mention au rôle d'équipage.
Ils sont tenus d'arborer en même temps que le pavillon de poupe le pavillon d'arrondissement. Il leur est défendu d'arborer un pavillon tricolore a la poupe des embarcations.

La même ordonnance détermine les pavillons de distinction à arborer sur les canots, la manière dont ils doivent l'être, soit déployés, soit ferlés, suivant le grade et le rang des officiers qui sont à bord, et qui ne sont point officiers généraux.

Texte extrait de La France Maritime d'Amédée Gréhan (2) (1837)
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(1) Cette information est fausse. Le mot pavillon était utilisé dans la marine française bien avant que le chevalier de Pavillon s'y engage.
(2) Amédée Gréhan (1802-1879) était sous-chef de bureau au ministère de la marine. En 1837, il a coordonné et fait publier La France maritime. Cet ouvrage en quatre volumes est une somme encyclopédique de la France coloniale de l'époque. Il fut consul du Siam à Paris à partir de 1860.