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Tag - sémiotique

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mercredi 17 octobre 2018

4 types sémiotiques de logos de ville

Comment représenter l’identité d’une ville avec un logo ? L’analyse sémiotique de Boris Maynadier permet d’identifier quatre types de logos de villes. Ils la désignent, l’affirment avec emphase, la représentent, ou mettent en scène une relation.

Désignation de la ville

Certains logos alphanumériques reprennent le nom ou l’initiale de la ville. Ils entretiennent un rapport de désignation, à la manière d’une étiquette.

Saint-Etienne.png

Emphase de la ville

On trouve récemment des logos étiquette plus développés, à l’instar de OnlyLyon. Sur le plan du signifiant, le signe invite à un décryptage de la part du récepteur.

Cela confère un caractère créatif au logo, car il demande un travail cognitif pour être résolu tout en respectant les contraintes de l’anagramme.

Cette résolution conduit à comprendre le sens du logo « seulement Lyon ».

Il ressort une emphase qui amplifie l’importance de la ville. L’emphase se traduit aussi par l’expression un sentiment de fierté « on sent la fierté de la ville »

only_lyon.jpg

Représentation de la ville

Les logos de type institutionnel s’inscrivent dans une démarche de création d’une marque pour la ville.

Ces logos sont construits de telle sorte qu’ils expriment une certaine identité de la ville, jugée stratégiquement pertinente par les managers et les responsables urbains.

Que le logo soit figuratif (e.g. le dessin explicite d’un élément architectural de la ville) ou abstrait (e.g. la symbolisation d’une valeur, comme le dynamisme), il manifeste la volonté de la part de ses créateurs de montrer certaines qualités des villes (e.g. historiques,économiques, etc.). L’enjeu managérial et créatif réside alors dans la capacité du signe à valoriser ces caractéristiques, jugées dignes de cette représentation.

Logo_Pau.svg.png

Relation à la ville

Les logos à la première personne s’appuient sur une démarche relationnelle. Plutôt que désigner ou représenter la ville, ils mettent en scène la relation entre cette dernière et le citadin.

En effet, les logos à la première personne mettent en jeu une identité, mais plutôt que de focaliser sur celle de la ville c’est celle du citadin qui est valorisée. Avec les logos à la première personne, les managers opèrent donc un renversement.

L’identité en jeu semble être moins celle de la ville que celle du citadin. Le logo commence en effet par un pronom à la première personne : c’est donc bien l’identité de chacun qui est d’abord concernée. Le logo « I amsterdam » qui se destine à tous les publics de la ville, habitants, touristes ou entreprises, en est une bonne illustration (www.iamsterdam.com).
i__amsterdam_logo-copie-1.png

De quoi le logo d’une ville est-il le signe ?

Boris Maynadier

Décisions Marketing n°74 Avril-Juin 2014, 115-127

mardi 25 septembre 2018

Branding territorial: Boris Maynadier

Boris Maynadier est docteur en sciences de gestion spécialisé en marketing territorial, enseignant en école de commerce.

Il a réalisé une thèse soutenue à l'IAE de Toulouse en juin 2009 - Marque de ville, étude des modalités sémiotiques de génération d'une marque par une ville.

Il a écrit les textes:

  • Les représentations symboliques de la ville : des armoiries aux logos, entrée de la ville dans l’hypermodernité 2007
  • Marque de ville : une approche sémiotique 2009
  • De quoi le logo d’une ville est-il le signe ? 2014
  • Gouvernance d’une marque de ville : les stratégies ambiguës 2015

De 2006 à 2014, il s'est occupé du blog: Branding the city

Il y a publié les articles:

La base de son raisonnement est:

Au XIIe siècle, les villes prennent de l'autonomie dans le monde médiéval et elles le montrent. Les villes deviennent des sujets plutôt que de simples objets, elles développent une identité et l'expriment. Alors bien entendu, en symbolisant cette indépendance nouvelle, ce moment charnière, les villes utilisent les codes de l'époque : les blasons.

Si on met cet épisode en perspective avec le parcours des villes hypermodernes (nota 1), on discerne des similitudes. À partir de la fin du XXe siècle, les villes se trouvent à un autre moment charnière où elles ont besoin d'exprimer leur identité et leur capacité de gestion, "d'auto-gestion" (le terme est abusif), en tout cas de prise en main de leur destin. Et là, les signes et techniques de l'époque, ce sont les logos et le marketing. Les logos de villes apparaissent au moment de la décentralisation.

Bon, voilà, à ce stade, l'histoire se joue entre logos et armoiries, entre un signe médiéval obsolète (au sens sémiotique - nous en avons perdu les clefs de lecture) et les logos hypermodernes. On peut établir une catégorie sémantique :/logos/ versus /armoiries/

Il s'agit de produire, pour construire un carré sémiotique, leur contraires : /non logos/ versus /non armoiries/ qui sont des hybrides de logos et armoiries.

Qu'est-ce qu'un /non logo/ ? Un /non logo/ est la négation de la modernité du logo par l'utilisation de la forme de l'écu qui appelle indubitablement un connoté "historique" et un connoté "institutionnel" des armoiries. Cependant, un /non logo/ n'est pas tout à fait une armoirie, parce qu'il n'en respecte pas les règles strictes de composition.

Qu'est-ce qu'une /non armoirie/ ? C'est la négation des règles de composition strictes des armoiries. Notamment, la forme d'écu est abandonnée. Mais les /non armoiries/ utilisent les figures de l'héraldiques, les dessins qui illustrent les armoiries. Par exemple, le navire de la ville de Paris rappelle celui de ses armoiries, se référant au passé économique, fluvial de la cité. Pourquoi n'est-ce pas un logo ? Parce que le symbole relève encore de l'héraldique qui est indéchiffrable pour qui ne connaît l'histoire de la capitale. Le signe n'est donc pas encore tout à fait hypermoderne (nota 2) .

Souvent, les villes conservent deux systèmes, des armoires et des logos en même temps, et communiquent même parfois avec les deux symboles, attachées qu'elles sont aux reliques héraldiques. Bien évidemment, ce n'est pas une bonne solution. A ce compte là, mieux vaut doter la ville d'un signe hybride, si on veut conserver des signes historiques du patrimoine de la cité.

Nota 1: Ascher distingue trois phases de modernisation des villes.

  1. Les temps modernes : de la fin du Moyen Age à la révolution industrielle
  2. De la révolution industrielle à la généralisation de la consommation de masse
  3. Hypermodernité : aujourd'hui

Nota 2: Hypermodernité versus postmodernité
Il n'est pas toujours aisé de faire la différence pour qui ne s’intéresse pas de très près à la question. Dans Examen, François Ascher revient sur la question et réaffirme sa position : nous sommes dans une phase hypermoderne et non postmoderne. ce qui crée de la confusion, c'est que souvent les constats peuvent paraître identiques. Par exemple, Maffesoli (postmoderne s'il en est) parle de tribus, de nomadisme... Les hypermodernes ne nient pas les phénomènes de groupes, ou les nouvelles mobilités, mais elles sont théorisées différemment.

Quelques oppositions majeures :
Pour les postmodernes, la modernité est en crise, le projet moderne est en crise.
Pour les hypermodernes, "ce n'est pas la modernité qui est en crise, mais ce qui est resté prémoderne" (Ascher, 2007, 192), un peu à la manière des villes qui conservent leurs armoiries que personne ne comprend.

Pour les postmodernes, la raison n'est plus porteuse de progrès, la notion de progrès a perdu son sens.
Pour les hypermodernes, le progrès n'a pas perd son sens, mais on n'a plus une foi aveugle en lui. En portant un regard plus raisonné sur le progrès, nous sommes plus modernes .